L’illusion du 8 mars

Dés le réveil, ce sont des images plus ou moins originales à l’occasion de la Journée Internationale de la Femme que l’on reçoit, auxquelles on répond machinalement; on le souhaite à notre tour.

Le 8 mars, considéré comme  le jour où nous remercions et célébrons la présence des femmes qui nous entourent; est pour ma part le seul jour où nous avons le privilège de naître “Femme”; un seul jour sur 365.

Si je soulève cet aspect du 8 mars, c’est sans doute après avoir vu cette image qui se trouve à la une de cet article. (merci encore, petit clin d’œil)

Cette caricature est vraie,  elle est tellement vraie et tellement triste. Le caricaturiste a voulu mettre en lumière le fait qu’en dépit de la place de la femme accordée par la journée du 8 mars, ses conditions à elle ne changent pas.

On ne peut nier les évolutions réalisées par nos ancêtres, mais il y a encore tellement à faire.

Comment se fait-il que des écoles sénégalaises ferment pour déficit d’élèves: “elles se marient toutes” nous avait tristement répondu ce directeur d’une école primaire de Louga; comment se fait-il que la libanaise n’ait toujours pas le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants ? ; comment se fait-il que les femmes d’une partie de ce globe n’aient pas le droit de conduire car cette activité pourrait “endommager leurs ovaires”? ou encore, que des centaines parmi nous se font battre sous les coups de leur soit disant bien aimé, puis finissent par y laisser leur vie?  Hélas, il y en aurait encore tellement à citer, mais mon but n’est pas d’énumerer dans un catalogue les atrocités et injustices que subissent les titulaires du “deuxième sexe”.

Des questions sans réponses, des gouvernements qui ne prennent la peine de traiter cet aspect désolant de notre quotidien, des femmes sans défense réduites à être « l’Autre », en reprenant les pensées de Simone de Beauvoir ; voila ce que nous laisse la journée du 8 mars.

“Chez nous, c’est la fille qui fait tout”

Après avoir entendu ces mots, j’avais juste cette envie d’exploser de rires et de répondre a ma mère: “On vit au XXIe siècle maintenant!” Cependant (afin d’éviter un incident diplomatique), je me suis bien évidemment retenue. Elle m’adressa simplement ces paroles pour me réveiller et me dire qu’en France, je devrais désormais compter sur moi même. J’ai été éduquée de sorte que mes etudes soient ma priorité, que mon identité me rappelle constamment que “chez nous c’est la fille qui fait tout”. Ne t’en fais pas Maman, je sais presque tout faire maintenant (du moins j’essaye…), mais lui aussi! Je suis libanaise, étiquetée arabe mais plutôt de descendance phénicienne; certes, mais aujourd’hui je ne vois plus la libanaise, l’orientale, comme une femme emprisonnée à faire le repas, s’occuper uniquement de la maison et de ses enfants, prête à servir ses hommes (frères, mari, pere, oncles etc) à la moindre suggestion. Aujourd’hui la femme, orientale ou non, doit avoir fait des études ayant débouchées sur un diplome, doit avoir un travail, maintenir son foyer tout en s’appuyant sur l’aide de son bien aimé (ou de son frère, jumeau ou pas). Ne nous empressons pas de quitter le foyer familial à la recherche d’un bon parti. Mon oncle m’a souvent répété: “ton premier mari, c’est ton diplôme”, sur ce, dirigeons nous plutôt vers les portes du savoir, de la connaissance, puisque “l’éducation est le pouvoir des femmes” comme le rappelle si bien Malala Yousafzai. Cependant, la réalité nous rattrape très vite: en effet, une étude réalisée par l’Unesco nous informe que plus de la moitié des enfants non scolarisés dans le Monde sont des filles. Mais à l’opposé, “l’éducation de la population féminine stimule la productivité d’un pays et la croissance économique.” Désormais, ce droit à l’éducation pour tous devrait devenir un devoir d’éducation pour tous, en d’autres termes plus une liberté mais une obligation morale. Il ne devrait plus être interdit de rêver d’être professeur, commissaire, journaliste, médecin, diplomate (au féminin) et de dire “Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants jusqu’à la fin des temps…”

Dix-huit ans

J’ai toujours imaginé mes dix-huit ans comme étant le moment où tout commencerait, où tout s’arrêterait.

D’une part une nouvelle vie commencerait, avec des nouvelles habitudes, des nouveaux horizons, des nouvelles rencontres.

D’autre part, tout s’arrêterait parce que je me serais séparée des personnes qui me sont très chères, qui ont fait partie de mon quotidien depuis toujours ; de ma Terre natale, le Sénégal pour une aventure qui ne peut qu’élargir mon esprit et m’ouvrir les portes d’un Monde où le savoir se trouve à chaque coin de rue.

Le jour de la majorité a sonné : en effet, j’étais bel et bien à l’étranger, plus précisément  à Toulouse, à 3687 km de Dakar, 3123 km de Beyrouth, capitale du Liban, Terre de mes ancêtres, Terre de mon cœur. J’étais bien séparée des personnes qui ont comblé ma vie, cependant ma moitié qui partage cette aventure avec moi ainsi que mon père venu spécialement pour l’occasion étaient présents, ce qui est à mes yeux l’essentiel ; même s’il n’est pas au complet.

Il est impensable de parler de mes dix-huit ans sans évoquer le Liban qui à cette même date « fêtait » son 70e anniversaire d’indépendance. Les guillemets ont bien leur place dans la phrase précédente puisque cette année, les autorités ont décidé de ne pas célébrer la fête nationale en raison du siège vacant du Président de la République depuis maintenant plus de six mois, des otages militaires libanais toujours retenus.

Lorsque ma Maman m’annonça cette nouvelle à travers les articles de l’Orient le jour, une immense déception et une contrariété indescriptible s’empara de moi. Annuler la fête nationale d’un pays ? Je voyais cette célébration comme le seul lien qui unissait encore le peuple libanais qui se déchire de plus en plus tous les jours.

Je n’ai jamais vécu au Liban, mais ma passion pour la Terre des Cèdres ne cesse de grandir en moi ; grâce à ma mère que je remercie du fond de mon cœur pour m’avoir transmis son patriotisme inconditionnel.

Je pensais que le jour de mes dix-huit ans, tout allait commencer ; en effet, c’est là que j’ai ouvert les yeux. Nous sommes tous tellement fiers d’étaler nos connaissances sur les guerres mondiales, la guerre froide, le conflit en Ex Yougoslavie à la fin du XXe siècle, l’intervention brittano-américaine en Irak et j’en passe (ce qui est très important), mais concernant l’histoire de mon pays ; je ne saurais vous évoquer que quelques évènements. J’ai honte, honte de moi.

Pourquoi sommes-nous ignorants ? Il est dans notre devoir de connaitre toutes les lignes qui ont fait l’histoire de notre pays : des Phéniciens à Alexandre le Grand, de la colonisation française à l’indépendance soixante dix ans plutôt, de la guerre civile à notre situation actuelle (instable comme à son habitude, mais c’est ce qui fait son charme, non ?) Il est désormais nécessaire d’en prendre conscience afin de ne pas commettre une nouvelle fois les erreurs du passé encore fraiches dans la mémoire de nos parents et grands parents. Comment évoluer dans le cas contraire ?

Mon Liban est beau par sa mosaïque de paysages, de civilisations qui se sont enchainées les unes derrières les autres, par son peuple pluriethnique, hospitalier, passif.

Je suis tout à fait consciente du fait que je ne suis pas en mesure de changer quoi que ce soit, mais l’espoir d’un Liban uni et glorieux ne quitte pas mes pensées.

Il m’a fallu attendre dix-huit ans, dix-huit ans pour réaliser.  A ce jour, je me promets de faire en sorte que l’histoire de mon pays, son système juridique n’aient plus aucun mystère pour moi en me réfugiant dans les très nombreux ouvrages prévus à cette occasion, ou en écoutant mes grands parents.

On m’a maintes fois conseillé de diversifier mes sujets de rédaction ; cependant j’écris avec mon cœur, et en ce moment même il se trouve au Liban. J’ai récemment retenu cette phrase d’un livre : « Scribere jussit amor, scripsi » la traduction latine de « l’amour m’ordonne d’écrire, j’écris ». C’est donc mon amour pour le pays des cèdres qui me fait tenir ma plume (ou plutôt mon portable) à la main.

En ce 31 décembre 2014, je vous souhaite de passer d’excellentes fêtes ainsi qu’une année merveilleuse aux côtés de ceux que vous aimez. Mes pensées et vœux vont également vers tous les enfants qui ont soufferts cette année, mais dont le sourire ne quittera jamais leurs lèvres. « Que le meilleur de 2014 soit le pire de 2015 », Bonne Année, Dewenati, سنة جديدة سعيدة Happy New Year, Feliz Ano Nuevo !